Dar Es Salam
Coordonnées GPS : 7.716765, -5.03242
Enquête réalisée le 28 mai 2019
Quartier au nord de Bouaké
Informations générales | |
---|---|
Nom de la localité : | Dar Es Salam |
Population (RGPH 2014) : | 93968 habitants |
Aire : | 7,29 km² |
Dessertes en eau potable | Totalement raccordé au réseau SODECI |
Gestion des excrétas | Assainissement autonome |
Socio-Anthropologie
Le quartier de Dar Es Salam est un des plus anciens quartiers de la ville. Il est né des migrations consécutives à l’essor industriel de la ville depuis le début du XXe siècle et à la prospérité de ce nœud ferroviaire et commercial en Afrique de l’Ouest jusque dans les années 1980. Il accueille une population originaire du nord du pays (population Mandé) et des pays limitrophes (Guinée, Burkina Faso, Mali). Cette population est majoritairement de confession musulmane. De ce fait, il y a une forte densité de mosquées équipés de points d’eau et une forte implication des ONG musulmanes dans la construction de puits et forage à usage collectif depuis la crise de l’eau en 2018.
Les différentes crises économiques et sociopolitiques qui se sont succédé depuis les trente dernières années ont fortement affaibli l’emploi industriel. Aujourd'hui, la population tire majoritairement ses revenues de petites activités commerciales dans le marché du quartier pour les femmes et au marché central pour les hommes.
Configuration spatiale
Dar Es Salam est un des quartiers les plus denses de l’agglomération de Bouaké avec près de 13 000 habitants au kilomètre carré. C’est un vaste quartier loti selon un plan orthogonal classique. Les habitations sont raccordées au réseau d’eau potable et d’électricité. Il est subdivisé en 4 sous-quartiers dont la qualité du bâti est relativement homogène. Dar Es Salam I, II et IV présentent un habitat de standing moyen : logements sur un ou deux niveaux construits en parpaing ; tandis que Dar Es Salam III présente un habitat de standing bas, car des logements précaires en matériaux légers persistent et certains ne sont pas directement raccordés aux réseaux, mais utilisent un raccordement collectif.
Le quartier est pourvu en services de base : centres de santé et écoles.
Le quartier est traversé par la route A3 qui permet de rejoindre le nord du pays et le Burkina Faso. Cet axe principal très emprunté de 4 voies est bitumé. Cependant, la voirie secondaire n’est pas revêtue et n’a pas de réseau de drainage des eaux de pluie, ce qui occasionne des problèmes d’érosion dans certaines rues. Les habitants déplorent aussi la faiblesse de la déserte du quartier par les taxis et transports collectifs.
Diagnostic des points d'eau analysés
Les enquêtes sanitaires ont porté sur un échantillon de 30 points d’eau, dont 7 forages, 2 puits équipés de pompe à motricité humaine, 8 puits maçonnés et 13 puits traditionnels. À l’instar du reste de la ville, de nombreuses habitations du quartier sont équipées de points d’eau, mais c’est le quartier qui dispose du plus grand nombre de forages.
Forages
Les forages diagnostiqués ont été construits en 2018 lors de la pénurie d’eau. Ce sont des donateurs étrangers d’ONG confessionnelles musulmanes qui ont financé les forages des mosquées du quartier. Les particuliers ont financé eux-mêmes des forages dans leur logement. Ils sont tous équipés d’une pompe alimentant un réservoir. Les profondeurs de captage varient entre 55 mètres et 120 mètres.
L’inspection sanitaire autour de ces points d’eau n’a révélé aucune vulnérabilité des ouvrages par rapport aux risques de pollution en surface. Cependant, l’analyse de la qualité de l’eau des forages révèle que 5 d’entre eux ont une concentration en nitrate supérieure à 50 mg/l, des concentrations en fluor relativement élevées avec 1 forage dont la concentration est supérieure à 1,5 mg/l.
Bien que ce soit des ouvrages par nature peu vulnérables aux contaminations, la présence de E. coli a été détectée dans 3 forages.
Puits
Le quartier est équipé de deux types de puits :
- Des puits familiaux construits il y a 25 ans en moyenne dont la superstructure est en mauvais état (fissures sur la margelle, couvercle abîmé).
- Des puits construits en 2018 par des ONG musulmanes en bon état. 2 d’entre eux sont équipés d’une pompe à motricité humaine, mais en l’absence de collecte de fonds (l’eau est offerte gratuitement au voisinage), les pompes ne sont pas toujours entretenues. En conséquence, l’une d’elles était en panne lors de notre passage.
Dans l’ensemble, ces puits mesurent entre 5 et 16 mètres de profondeur (13 mètres en moyenne) et nécessiteraient d’être approfondis pour assurer un approvisionnement toute l’année.
La superstructure des ouvrages est constituée généralement d’une margelle couverte d’une dalle avec une trappe pour faciliter la collecte de l’eau. Nous avons pu observer lors de nos enquêtes dans le quartier que l’équipement de surface n’était pas en bon état :
- fissures sur la margelle (32% des puits)
- des couvercles inexistants ou mal adaptés (40 % des puits).
Lorsqu’ils constatent le tarissement du puits en saison sèche, certains propriétaires engagent des travaux de curage ou d’approfondissement de leur puits.
L’inspection sanitaire autour de tous ses points d’eau à Dar Es Salam révèle qu’environ 37% des points d’eau soit 10 puits sur 27 ont une vulnérabilité élevée ou très élevée.
Niveau de vulnérabilité | Très élevé | Élevé | Moyen | Faible |
---|---|---|---|---|
Effectif des puits | 2 | 8 | 11 | 6 |
Les risques potentiels observés autour des ouvrages dans le quartier sont dus en grande partie à :
- un mauvais conditionnement du dispositif d’exhaure : 74% des puits
- un manque d’hygiène autour du point d’eau (présence d’eaux stagnantes) : 56% des puits
- une étanchéité insuffisante de la superstructure due à des fissures ou à un couvercle inadapté : 41% des puits
- La présence de latrines à proximité immédiate : 30% des puits
L’analyse de la qualité des eaux de puits indique comme dans la plupart des quartiers à Bouaké des eaux qui ont une tendance légèrement acide (pH < 7). Les pH varient entre 5,65 et 7,7 avec une moyenne de 6,35. La conductivité des eaux de puits variait entre 215,5 et 584,1 µS/cm avec une moyenne de 322 µS/cm. Quant à la turbidité, les eaux sont très claires dans presque tous les puits visités. Seulement 4 puits avaient une turbidité supérieure à 5 UTN, la norme recommandée par OMS pour les eaux de boisson.
En ce qui concerne les paramètres chimiques, les résultats d’analyse indiquent une pollution aux composés azotés notamment au nitrate et à l’ammoniac. En effet, des concentrations en nitrate supérieures à la norme recommandée de 50 mg/L pour les eaux de boisson ont été détectées dans tous les puits visités dans le quartier de Dar Es Salam. Quant à l’ammoniac, plus de la moitié des puits soit 52% des puits sont sujets à une forte concentration en ammoniac (valeurs supérieures à 1,5 mg/L). Des concentrations de fluor ont été détectées dans presque tous les puits à valeurs relativement élevées par rapport aux autres quartiers, mais aucun n’a de concentrations supérieures à 1,5 mg/L. Le chlore libre n’a été détecté qu’au niveau d’un seul point d’eau.
L’analyse bactériologique des échantillons d’eau relève que 83% soit environ 19 puits sur les 23 à Dar Es Salam sont contaminés par la bactérie E. coli.
Eaux de surface
Aucun approvisionnement dans des eaux de surface n’a été identifié dans le quartier
Pratiques et modes d’approvisionnement en eau
Dar Es Salam est totalement raccordé au réseau de la SODECI, toutefois, les habitants signalent régulièrement des coupures liées au sous-dimensionnement des conduites ou à des travaux ponctuels d’entretien, de réparation ou d’amélioration du réseau. La SODECI assure en effet de nombreux travaux de rénovation et de remise à niveau du réseau. En cas de coupure, les habitants s’approvisionnent dans les puits et forages du quartier. C’est le quartier le mieux équipé en forage de la ville. Lors de la crise de 2018, certains propriétaires de forage ont commercialisé leur eau, si cette pratique était tolérée en période de crise, elle est aujourd’hui interdite.
Mode de gestion
À Dar Es Salam, les puits existent dans la majorité des ménages et la gestion revient aux propriétaires. Les puits situés sur l’espace public existent également. Ce sont soit des points d’eau de mosquée gérés par un comité interne et distribuant l’eau à l’ensemble des habitants sans distinction confessionnelle, soit des puits privés financés par des ONG confessionnelles musulmanes. Ils sont situés à l’extérieur du logement de leur propriétaire afin de profiter au voisinage, mais sont gérés et entretenus par le particulier qui en est le propriétaire.
Personnes ressources
- Coordinateur des Imams de Dar es Salam 1
- Président des jeunes de Dar Es Salam 1
- Présidente des femmes de Dar Es Salam 1
- Présidente des femmes de Dar Es Salam 2
Gestion des excrétas
Le quartier de Dar Es Salam ne dispose pas d’un réseau de drainage des eaux usées. L’assainissement y est autonome, chaque habitation gère ses eaux usées domestiques. On retrouve tous des types d’ouvrages d’assainissement : fosses septiques, latrines sèches individuelles ou collectives. Les fosses, une fois pleines sont vidangées par des artisans ou des entreprises privées.
Desiderata des habitants
Type d'entretien | Date |
---|---|
4 entretiens individuel auprès de personnes ressources | 26 Nov-09 Déc 2018 |
2 Focus group femmes | 10-21 Déc 2019 |
2 Focus group hommes | 10-21 Déc 2019 |
1 Focus group jeunes | 10-21 Déc 2019 |
Les entretiens individuels et collectifs menés dans le quartier indiquent que si les habitations sont raccordées au réseau d’eau potable de la SODECI, l’irrégularité des approvisionnements incite les habitants à se tourner vers des sources alternatives : puits et forages. Globalement la population perçoit l’eau des puits comme une eau de bonne qualité et est attachée à disposer d’un puits dans son logement. Cependant, les femmes du quartier prennent progressivement conscience de la qualité moindre de l’eau des puits. Certaines la réservent donc aux tâches ménagères, tandis que l’eau du robinet et des forages est préférée pour la boisson. Si la SODECI rénove le réseau pour améliorer la qualité de la desserte dans le quartier, les habitants demeurent méfiants et souhaiteraient voir se renforcer les points d’eau alternatifs. Les hommes en particulier souhaiteraient que les puits soient rénovés ou équipés de pompes, car l’eau y est moins chère que l’abonnement à la SODECI. Ils souhaiteraient aussi que de nouveaux forages à usage collectif soient construits. Toutefois, la législation ivoirienne interdit la construction de forage en ville.
Tensions ressenties lors des entretiens
Tensions générales
Aucune tension n’a été relevée lors de notre passage.
Tensions autour de l'eau
Les principaux récits de tensions autour de l’approvisionnement en eau concernent la période de pénurie de 2018. De nombreuses querelles éclataient alors dans la file d’attente des citernes affrétées en urgence par l’office national de l’eau potable (ONEP). Ces disputes concernaient le respect de l’ordre de passage et la quantité des rations accordées à chacun.
Relations avec les localités voisines
Les relations avec les quartiers voisins sont bonnes. On ne note aucun incident.